publié le 02-10-2020
Chaque 1er octobre résonne de plus en plus durement. Cette journée internationale du café est une énième occasion de déplorer les effets d’une globalisation incontrôlée. Ceux-ci sereflètent de plus en plus sur la surface trop lisse de cette boisson que nous consommons à foison: la répartition inégalitaire de la richesse entre les différents acteurs de la filière maintient les producteur.rice.s dans la pauvreté. Cela dans une ambiance de spéculation massive et un marketing acéré dans les pays consommateurs.
Le café n’est pas la seule filière à subir les conséquences de la trop grande concentration du pouvoir dans les mains des acheteurs et marques internationales.Maisavec 2 milliards de tasses bues chaque jour sur la planète,2e boisson consommée après l’eau, c’est une filière hautement symbolique.Ce marché a de quoi faire rêver. Les publicités nous vendentdes fantasmes agréables, avecdes travailleurs et travailleuses s’activant heureux.ses dans des environnements luxuriants. Sourient-ils.elles parceque, côté nord, les dosettes et les capsules ont fait exploser depuis 15 ans les ventes de café, particulièrement en France ?Probablement pas. La carte postale idyllique s’arrête là :ces producteur.rice.sne voient pas la couleur de ces gains. Ils vivent dans l’instabilité et la précarité,engendrées par des prixagricoles honteusementbas.Presque tout le café que nous buvons chaque jour, quand il n’est pas certifié équitable, est acheté en-dessous des coûts de production !
Les producteurs de café vendent à perte. Il faut plusieurs années pour qu’un caféier produise des fruits. Les prix, eux, varient chaque minute à la Bourse de New York. Les richesses créées par l’agriculturedisparaissent dans les comptes des multinationales et ne bénéficient pas à nos sociétés.
La filière café, comme les autres filières agricoles,créepourtant suffisamment de richesses pour tous les maillons de la chaîne. Les dosettes et capsules – toute réflexion sur la raison d’être de cet outil marketing mis de côté – sont plébiscitées. Orle café y est vendu plus cher au kilo que dans sa version moulue : de fait, cet outil marketinga permis aux marques et distributeurs d’exploser leurs bénéfices et de capter 96 % de la valeur du café créée en France en 20 ans. 2 à 5 % du prix final de notre dosette revient au producteur ou à la productrice. Autrement dit, des miettes. Tandis que nous, consommateurs et consommatrices, nous le payons de plus en plus cher.
En 20 ans, torréfacteurs et distributeurs ont vu leur part doubler (100% d’augmentation, + 1177M€) alors que la valeur captée par les producteurs et exportateurs n’a augmenté que de 16% sur la même période (+ 64M€).
Pourquoi continuer à accepter les effets secondaires de ces inégalités, quand on voit où celles-ci nous entraînent collectivement ? Ces inégalités de richesses engendrent des désastres écologiques. Les agriculteur.rice.s, pour correspondre aux règles court-termistes du marché, sont contraint.e.s de détruire leur propre écosystème et à voir ainsi menacéejusqu’à leur sécurité alimentaire.
Transformer pour de bon nos modes de production,repose sur l’intégration urgente devaleurs commel’équité, la solidarité, la démocratie et la transparence.
- Equité et solidarité :larépartition plus équitable de la richesse est un facteur clef de la résilience des filières agricoles. Ce partenariat enfin gagnant-gagnant offrira un filet de sécurité pour encourager à passer le cap écologique, qui nécessite du temps et une prise de risque. Un commerce équitable, en réduisant les inégalités économiques et sociales, est un accélérateur des conversions agro-écologiques et bio*(Basic, 2018)
- Démocratie :pour sortir des décisions unilatérales,les communautés d’agriculteur.ricesdoivent être partie prenante des décisions qui concernent leur métier et leur terre.L’autonomie qui en découle sera synonyme d’un rééquilibrage des pouvoirs dans la chaîne.
Cela fait plusieurs années que cette situation perdure. Nous demandons des actions concrètes de la part des grandes marques de café,qui se contentent de belles déclarations, malgré les signes évidents de désir de changement des citoyen.ne.s et refusent de parler juste rémunération. Leurs programmes dits« durables »portent encore tous le sceau du profit à sens unique, de la productivité à tout prix, et d’une forme de domination sous couvert d’accompagnement aux bonnes pratiques. C’est dépassé ! Cesvaleurs ne doivent pas être des coquilles vides dans un programme RSE. Remplissez-les avec de véritables engagements, comme :
- offrir un prix minimum rémunérateur qui couvre les coûts de production, satisfasse les besoins fondamentaux des producteur.rice.s et de leur familles, et leur permette d’envisager l’avenir, dans une filière menacée par le dérèglement climatique (soit en ce moment 30 % minimum au-dessus des coûts de production – cf visuel ci-dessous)
- contractualiser sur plusieurs annéesavec des producteurs organisés, en partant de leurs besoins et possibilités, pour sécuriser leurs ventes et investir dans leur production.
- adopter des politiques d’approvisionnement en priorité auprès d’organisations de producteur.rice.s engagées dans les transitions agro-écologiques et la bio.
Osez la transparence. Nous préférons encore la vérité à la communication.
C’est le début d’un combat pour faire évoluer les paroles en actes. A partir du16 octobre,questionnons collectivement les marques sur leur engagement à faire du café une filière d’exemplarité, prête à relever les défis sociaux et écologiques qui nous attendent toutes et tous.#stopinégalités
Noms des signataires
Organisations nationales :
Agronomes et vétérinaires sans frontières - Frédéric Apollin, directeur
Bio consom’acteurs – Julie Potier, directrice
Commerce Equitable France - Julie Stoll, déléguée générale
FAIR[e] un monde équitable - Estelle Dubreuil, coordinatrice nationale
I-buycott – Bulent Acar, co-fondateur
myLabel - Christophe Hurbin, fondateur
REFEED - Pia Benguigui, présidente
Associations locales :
Colecosol Grand Est - Francis Kern, président
NAPCE - Philippe Blaise, président